Enjeux développementaux du langage
Publié par : Pascale Léger
Publié le : 20/09/2021
Dans la catégorie : Scolarité

« Mon enfant est non-verbal, ça ne sert à rien de lui parler car il ne comprend pas… »

C’est souvent à partir de cette fausse croyance qu’on oublie de s’adresser à lui, de lui dire ou de lui expliquer ce qu’on fait avec lui. Pire, il nous arrive même de parler devant lui en pensant qu’il ne comprend pas ! Cette absence de langage à son égard peut développer un tel retard, que finalement l’enfant risque de ne pas comprendre à quoi ça sert de parler.

Son attention va alors se focaliser peu à peu sur d’autres indices de compréhension non verbaux, comme le ton de notre voix par exemple. Ils lui permettront de saisir si le message qui lui est adressé est agréable ou non.

Au lieu de chercher à comprendre ce qu’il doit faire, l’enfant cherchera plutôt à déceler l’imperceptible signe d’approbation corporel que vous allez émettre, afin de s’autoriser ou non à exécuter une tâche. Petit à petit, cette habitude risque d’accentuer son retard développemental, car au lieu d’utiliser ses capacités mentales pour comprendre ce qui est attendu, il va s’attacher au « OUI » que vous lui adresserez sans même vous en apercevoir. Ce peut être un très léger sourire, un regard approbateur, un acquiescement imperceptible de la tête, des sourcils qui se froncent, une main plus ou moins crispée… bref, n’importe quel indice qui viendrait valider ou non son « essai-erreur », jusqu’à ce qu’il « tombe » sur la bonne réaction. Un enfant ayant d’une déficience intellectuelle s’attache naturellement très vite à cette stratégie de compensation, bien moins couteuse mentalement, car il n’aura pas besoin de faire l’effort de comprendre. Et quoi de plus naturel que d’opter pour la facilité ?

Cela explique souvent pourquoi un enfant réussit à faire quelque chose avec une personne, surtout un proche, et pas avec une autre. En fait, il ne peut pas généraliser une compétence, car elle n’est pas réellement acquise. J’ai souvent eu l’occasion de le vérifier en classe, en faisant des erreurs d’évaluation avec des élèves qui me connaissaient trop bien. C’est à l’occasion d’un regard croisé avec d’autres intervenants que cela se révèle. En observant mes élèves avec quelqu’un d’autre, j’ai pu repérer à quel point certains sont en recherche permanente d’indices d’approbation pour effectuer une tâche. Ils peuvent être totalement démunis quand je sors de leur champ visuel, car ils ont perdu leur repère habituel extérieur : moi et mes petits indicateurs subliminaux ! Quand cette stratégie est installée, ils n’ont pas conscience qu’ils peuvent trouver la solution par eux même, car ils n’ont pas développé l’habitude de réfléchir pour agir.

Alors prenez le temps d’observer ce qui motive votre enfant à agir, est-ce qu’il a vraiment compris ce qu’on attend de lui ? Ou a-t-il tout simplement le décodeur quand c’est vous qui lui demandez quelque chose ? Soyez attentif à ce qui se passe chez lui quand vous vous détournez, ou que la consigne est donnée par quelqu’un d’autre…

Cela peut impacter aussi tous ses apprentissages vers l’autonomie. En s’appuyant systématiquement sur l’autre pour faire sans chercher à comprendre, il restera dans la dépendance à l’adulte en faisant pour faire plaisir.

Rappelons que le langage oral à deux directions : la réception qui est la capacité à comprendre un message verbal sans autre indice, et l’émission qui permet de formuler une demande autrement qu’en mettant en place des troubles du comportement que les proches sauront décrypter (par exemple, tirer sur son pantalon quand il veut aller aux toilettes).  

Pour aider un jeune non verbal à comprendre ce qu’on attend de lui, il est indispensable de simplifier au maximum son message : faire des phrases courtes et simples (sujet verbe et complément), toujours affirmatives (la négation est difficile à intégrer pour tous les enfants). Observez bien votre façon de parler : faites-vous des phrases à rallonge ? Avez-vous des expressions toutes faites ? Utilisez-vous beaucoup de mots parasites comme « en fait », « euh », « bon », « mais » …, tous ces mots qui encombrent votre message sans même vous en rendre compte ? Avoir un discours épuré est la règle, sinon votre enfant n’entend que le bruit qui sort de votre bouche, comme quand on entend parler une langue étrangère.

En plus, appuyez-vous sur la gestuelle pour rendre votre discours décryptable. Pour soutenir sa compréhension, signez (en Langue des Signes Française ou en Makaton) un ou deux mots clés pour faire passer le sens de votre message. Et n’oubliez pas de dire ces mots plus forts pour qu’ils soient plus facile à entendre. En ajoutant un signe à certains mots, ils auront plus de chances d’être captés, surtout si vous limitez au maximum votre « bla-bla » habituel. En commençant par le vocabulaire usuel fréquent dans son quotidien, votre enfant comprendra que ce que vous lui dites a du sens, et il cherchera à le comprendre.

Parallèlement, pour qu’il commence aussi à s’exprimer verbalement, il faudra développer un contexte favorable au désir de communiquer : rappelez-vous d’arrêter d’anticiper tous ses besoins. Si vous avez l’habitude de laisser en libre accès tout ce qui l’intéresse, il n’aura pas besoin de vous le demander. Vous pouvez choisir de mettre hors de sa portée une chose qu’il aime bien pour commencer, en vous assurant de lui donner les moyens de la demander (à sa façon au début), et en y répondant aussi vite que possible. N’oubliez pas de reformuler oralement pour lui avec le signe. Il pourra alors essayer de vous imiter. Le meilleur terrain d’apprentissage est généralement à table, si vous ne lui laissez pas la possibilité de se resservir seul, il pourra demander « encore » (le mot le plus magique qui soit pour débuter !)

Lui montrer le geste en prononçant le mot l’aidera à le faire à son tour, et ensuite seulement viendra peut-être le son… Généralement au début, il commencera à formuler ses demandes sous la forme d’un mot-phrase. Le soutien du geste à la parole est primordial, car il a été prouvé par les neurosciences, que la zone du cerveau qui produit le langage est la même que celle qui est activée par les gestes. Ce sont les mouvements qui aident à parler, regardez comme vos mains bougent naturellement quand vous parlez !

Retrouvez-moi pour une conférence suivie d’un atelier parental, jeudi 14 octobre matin ou samedi 16 octobre après midi à Saint Maur des Fossés dans les locaux d’ATOUKIDS.

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